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Le câblage par fibre optique permet aux utilisateurs des débits 200 fois plus importants sur l'Internet que l'ADSL. Mais la pose des câbles en ville est complexe et implique des chantiers pharaoniques tandis que la concurrence fait rage entre les opérateurs. Il faut dire que l'enjeu est de taille. Dossier.
Les internautes peuvent remercier Free. En annonçant l'an dernier son intention d'investir 1 milliard d'euros dans la fibre optique, l'inventeur de la "box" a fait basculer la France dans l'ère du très haut débit. D'ici fin juin, Noos, France Télécom, Free et Neuf auront lancé des offres "turbo". Les débits vont de 50 à 100 mégabits/s. C'est jusqu'à 200 fois plus que les connexions ADSL, qui empruntent les fils de cuivre de nos lignes téléphoniques.
Près de 15.000 abonnés surfent déjà à la vitesse de l'éclair, regardent la télé en haute définition ou téléchargent des films en quelques secondes (lire ci-dessous). "C'est aussi une révolution pour les entreprises, et un enjeu crucial pour l'économie et l'emploi : selon un récent rapport du Medef, le retard de la France dans les technologies de l'information nous coûte un point de croissance par an", souligne Stéphane Lelux, président du cabinet de conseil Tactis.
Le chantier est titanesque. Il s'agit pour les opérateurs de remplacer les 34 millions de lignes de cuivre par de la fibre optique. Ils ont annoncé au total 2,5 milliards d'euros d'investissements pour câbler les égouts, casser les trottoirs, monter les cages d'escaliers, etc. A raison de 500 à 2.000 euros la pose, la facture finale se chiffrera en dizaines de milliards. Du coup, le réseau sera réservé aux grandes agglomérations. Selon Tactis, douze villes seront partiellement couvertes fin 2008, soit environ 800.000 foyers, en majorité à Paris. Ce chiffre devrait atteindre 5 millions de logements dans plus de 200 communes d'ici fin 2013.
Guerre des prix
La concurrence sera d'autant plus rude que Free a dégainé un prix très bas : 29,90 euros par mois pour un abonnement "triple usage" (internet, téléphone, télévision). Même si des options pourront gonfler la note, la fibre "de base" sera donc au même tarif que l'ADSL ! Au grand dam de France Télécom, dont l'offre coûte 47,90 euros à 81,90 euros par mois. A ce prix-là, "la seule solution pour que les réseaux soient rentables, c'est le partage des infrastructures entre les opérateurs", souligne Roland Montagne, du cabinet Idate. Pour l'instant, on en est loin. A Paris, où les fournisseurs d'accès concentrent leurs efforts, "les choses semblent assez mal engagées", déplore Jacques Veyrat, PDG de Neuf Cegetel. "C'est un mélange de far west et de Monopoly", ajoute un spécialiste du secteur.
La bataille fait rage pour obtenir le droit de fibrer les immeubles. Les opérateurs doivent obtenir un vote des copropriétaires en assemblée générale. Les procédures transitent par les syndics, qui sont assaillis de demandes. "C'est presque du harcèlement", confie l'un d'entre-eux. France Télécom a convié le mois dernier plusieurs dizaines de syndics franciliens à une réunion d'information. Free préfère demander à ses abonnés de jouer les VRP.
Les délais pour avoir le feu vert sont longs (3 à 12 mois selon les opérateurs, encore plus selon les syndics). D'autant qu'une loi adoptée le 5 mars impose un vote à la majorité absolue des copropriétaires, alors que la majorité des présents à l'assemblée générale suffisait jusque là. "Le gouvernement a freiné de facto le déploiement de la fibre", déplore Pierre Caumartin, du syndic Urbania. Les opérateurs doivent également vaincre les réticences des copropriétaires, qui redoutent les nuisances liées aux travaux.
Le projet le plus ambitieux est celui des Hauts-de-Seine
Résultat, il est peu probable que deux concurrents puissent fibrer un même bâtiment. Le premier arrivé aura donc l'exclusivité dans "ses" immeubles, au moins dans un premier temps. Pour l'instant, Neuf fait la course en tête avec un parc de 100.000 logements, contre environ 40.000 pour Free et 15.000 pour France Télécom.
"Il y a un vrai risque de reconstitution de monopoles, notamment au niveau local", s'inquiète Gabrielle Gauthey, spécialiste de la fibre à l'Arcep, l'organisme de régulation des télécoms. Pour l'ADSL, tout était simple : la législation européenne oblige France Télécom à louer ses lignes téléphoniques à un prix réglementé. Cette mesure, baptisée "dégroupage", a permis l'arrivée de la concurrence et la baisse des prix. Rien de tel dans la fibre, où la réglementation devrait rester inexistante pendant des années.
Y aura-t-il une vraie concurrence ? L'Arcep en doute. "Il est essentiel que les collectivités locales se saisissent du dossier avant qu'il ne soit trop tard", plaide Gabrielle Gauthey. Le projet le plus ambitieux est celui des Hauts-de-Seine. Le Conseil général va cofinancer le raccordement de ses 720.000 logements et entreprises pour 25 à 75 millions d'euros. "Cela permet de couvrir les zones où les privés ne seraient pas allés, mais aussi d'obtenir une concurrence maximale, puisque le réseau sera accessible à tous les opérateurs", souligne le directeur du projet, Jean-Jacques Guillet. Une petite dizaine de collectivités, comme Pau ou le département de la Manche, vont aussi lutter contre la fracture numérique. Selon Tactis, un quart des foyers raccordés en 2008 le seront grâce aux réseaux d'initative publique.
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